l’assec du doubs en 2018
Le Pôle Karst est revenu sur l’épisode hydroclimatique exceptionnel qu’a connu le Doubs en 2018.
Il a rédigé un document qui mêle synthèse des observations historiques/récentes et analyse statistique des données hydroclimatiques disponibles sur le secteur permettant de quantifier le caractère exceptionnel de l’étiage enregistré.
Conclusion de l’étude :
La caractérisation statistique des données hydroclimatiques du Doubs dans sa partie amont permet d’attester du caractère exceptionnel de l’épisode enregistré en 2018, vraisemblablement l’étiage le plus sévère depuis l’historique épisode de 1906. Fait marquant d’un point de vue hydrologique (mais aussi sociétale), l’assec observé sur un linéaire de près de 20 km en aval d’Arçon et pendant plus de cinq mois n’est en fait que la traduction d’un déficit pluviométrique prolongé en milieu karstique.
Le contexte géologique régit en partie les conditions d’écoulement et sur ce secteur c’est principalement la capture souterraine du Doubs par la Loue qui procède des dynamiques de circulation. Aussi, caractère inhérent au karst, ces dynamiques sont évolutives et une des singularités de la séquence 2018 est qu’il a été observé un tarissement total très rapide rendant très probable l’hypothèse d’une modification interannuelle des conditions d’infiltration et dans ce cas-ci celle d’une majoration du soutirage karstique par les pertes.
Même si ces dynamiques de soutirage hydraulique semblent variables à l’échelle des chroniques de données disponibles (quelques décennies), la Loue étant conquérante vis-à-vis du Doubs, ce phénomène va de pair avec la structuration des écoulements souterrains et ne peut que s’accroitre à des échelles de temps plus longues. La capture totale des écoulements du Doubs est inéluctable et seule la dimension temporelle est, en l’état des connaissances, difficile à apprécier. En surimposant ce contexte hydrogéologique défavorable aux tendances climatiques, il est fort probable que des situations de tarissement total et prolongé s’observent sur le Doubs en aval de Pontarlier de manière régulière au cours des prochaines décennies. Dans ce sens, l’étude menée par Caballero et al., (2016) évoque une baisse de la recharge estivale comprise entre 25 et 50% à l’horizon 2050. Et si des incertitudes demeurent par rapport aux modèles utilisés (climatiques et de recharge), le rapport suggère donc une tendance lourde de diminution des débits estivaux préjudiciable aux hydrosystèmes karstiques jurassiens.
Si la question de la gestion des ressources en eau se posait déjà sur ce secteur au début du 20ème siècle, elle est aujourd’hui encore plus prégnante compte-tenu des perspectives mentionnées. Les aménagements réalisés en 2018 (pose de deux margelles sur deux diaclases importantes et d’un géotextile imperméable au niveau de la zone de perte dite de la Héronnière) doivent constituer des interventions exceptionnelles face à une situation de crise et de manière générale toute intervention doit être pensée systémiquement tant les répercussions sont difficilement prévisibles et potentiellement importantes. En ce sens, la création récente (2020) d’un EPAGE Haut-Doubs/Haute-Loue constitue une avancée significative pour une gestion raisonnée des ressources en eau de ce territoire d’exception.

